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21 avril 2012

Berlin sous la Baltique

(...)

Berlin, c'est grand. Il n'est pas trop tard. On peut encore tout arrêter et repartir à zéro.

(...)

Berlin a été construite sur le sable. Au sens biblique, on aurait pu mieux choisir. Il fut un temps où Berlin était entièrement recouverte par la mer. L'Atlantide à l'envers, si on veut. C'est la première chose qu'on vous raconte à l'arrivée. On vous dit ça comme si les eaux venaient tout juste de se retirer, alors qu'en fait ça remonte à des millions d'années. Et pourtant, chaque fois qu'on rencontre un chantier, on se croirait au bord de la mer, car partout on tombe sur du sable.

(...)

Peut être qu'à Berlin, les gens entretiennent dans leur subconscient l'idée que la ville a un bail avec la mer. Qu'un jour un raz de marée viendra reprendre possession des fonds marins et que les Berlinois se retrouveront à nouveau sous la Baltique.

(...)

Les gens se déclarent affamés. Fatigués. Esseulés. Incompris. Amoureux. Désirables. Vieux. Nouveaux venus. Propres. Les hommes sont déclarés amants, amis, maris ou pères. Personne n'échappe à la nomenclature ; tout doit avoir un titre. Parce que la nomenclature réduit les risques de méprise. Parce que ici, dire clairement ce qu'on veut et ce qu'on est est un mode de vie.

(...)

On ne peut plus dire de Berlin qu'elle est la capitale de l'Allemagne. Même si certains tiennent encore à l'appeler ainsi. Berlin est une ville en Allemagne de l'Est. La partie dont on parle toujours s'appelle Berlin-Ouest. Berlin-Ouest est une île. Ce qui tend à montrer combien les choses dégénèrent ; combien un titre est provisoire.
On pourrait dire de la réunification de l'Allemagne que c'est une vieille rengaine.

(...)

Qu'est ce qui vous a amenée à Berlin ? lu iais-je demandé brusquement. Voilà Helen forcée à faire une déclaration d'intention.
C'est une longue histoire, a t-elle dit.
Eh bien, on n'est pas pressé, ai-je répondu avec un sourire en baissant les yeux.

(...)

J'ai brisé un des petits pains blancs comme si je m'appliquais à rompre l'échine d'un petit animal. Helen attendait que je commence, et après elle faisait comme moi. Je mange sans bien mâcher. On pourrait me traiter de vorace. Helen, elle, mâchait d'un air pensif, comme si ça l'aidait à se souvenir. Ele mange lentement. On peut déclarer le petit déjeuner chose intime. Et quand on mange ensemble le matin on a l'air d'avoir dormi ensemble.

(...)

On n'arrange pas forcément les choses en les éclairant, il y a lumière et lumière. Si on braquait une torche électrique sur le mur de Berlin sous les feux des projecteurs, est ce qu'il en serait mieux éclairé - est ce qu'un verre d'eau augmenterait le volume des mers ? Ou bien la lumière donne t-elle un double des choses ?

(...)

L'éclairage, par ailleurs, est très discret. Car souvent les choses périssent à la lumière. La lumière fait périr l'imagination. Le jour est meurtrier.

(...)

Elle a pris une douche et elle est retournée se coucher. Je lui ai apporté du thé. Elle ne supportait pas la vue de la nourriture. Tout ce qu'elle voulait, c'était revivre le passé. Elle m'a attiré près d'elle. Quand on refait une chose, c'est pour croire à ce qu'on voit.

(...)

Pour la première fois, j'avais besoin de savoir pourquoi elle pleurait. Pourquoi elle était inquiète. Pourquoi elle se sentait seule. (...) Pour la première fois, j'avais besoin de savoir ce qui se passait dans sa tête d'un instant à l'autre. Pour la première fois, j'avais besoin de la voir sourire.

(...)

Le trajet entre la station de Neuköln et l'appartement de Sonnenallee paraît interminable. J'ai l'impression d'avancer à pas de tortue à côté d'Helen. A marcher si lentement, nous avons l'air d'un couple de vieux qui s'en reviennent d'écouter la fanfare au jardin public. C'est une allure exaspérante. Je pourrais faire au moins vingt fois l'aller-retour de la station à l'appartement pendant le temps que nous mettons pour rentrer. Helen est fatiguée après cette journée à la chaleur. Elle a ralenti le pas et marche à une allure nonchalente avec mon bras pour soutien. Elle a un coup de soleil sur le nez. Elle me donne envie de courir. De danser autour d'elle dans la rue de toute mon énergie. Elle s'agrippe à mon bras et elle lève les yeux vers moi.

(...)

Une fois tous les deux mois, la ville de Berlin retourne ses poches. (...) Des objets dont l'attrait et la commodité n'ont pas résisté aux forces du changement ni à celles d'un bien-être toujours accru. Des objets qui ne cessent de se dévaloriser, abîmés par trop de familiarité, dépassés par la mode. Tout cela est lié au désir, à la loi selon laquelle un désir en chasse un autre. Au renouvellement constant du cadre de vie personnel.

(...)

On aurait pu tenir des propos sur les nappes blanches. Sur la transparence du verre. On aurait pu faire des discours sur la victoire. La Wurst. L'agilité. La natalité en Allemagne. On aurait dû parler de la chronologie de la chance.

(...)

L'objet qui est censé graver pour la postérité, qui est censé fixer le présent, a, en réalité, l'effet inverse. La photo tue. Le procédé qui est censé éterniser une chose sur papier n'est en réalité qu'une façon de dire au revoir. Les photos démantèlent la réalité. La photo est un adieu.

(...)

En Allemagne, tant qu'on ne parle de rien, on ne veut pas voir. Quinconque ne figure pas sur les registres existe à peine. Quinconque est dépourvu de sentiments n'est pas vivant. C'est comme les opinions non exprimées. Les cartes postales non expédiées.

(...)

En ce premier instant qui fait suite à une si longue absence, tout est possible. Les choses auraient aussi bien pu aller dans un sens que dans l'autre. Ils auraient pu se regarder et décider de s'en tenir au souvenir plutôt que de renouer le fil du discours en pleine rue. Après une semblable absence, il faut tout réévaluer sur-le-champ.

(...)

Il ne lui restait plus qu'à aller faire une visite à sa propre mère. L'après-midi où il est allé la voir, c'est à peine si elle l'a reconnu. Les chiens aussi. Ils ont aboyé comme des fous. Il lui a dit qu'il repartait vivre à Dublin. Tout cela ne signifiait pas grand-chose pour une vieille dame comme elle. Elle était contente d'avoir son fils près d'elle un petit moment. Dieter était impatient et mal à l'aise. Maintenant qu'il avait fait l'effort de venir, il avait du mal à s'en aller. La voir lui faisait peur. Et quand il l'a quittée au bout d'une heure, elle n'a presque rien dit. Elle ne l'a pas supplié de revenir, comme il s'y attendait. Elle ne lui a pas demandé de rester. Les chiens se sont remis à aboyer.

(...)

("Berlin sous la Baltique", Hugo Hamilton)

(merci X)

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7 avril 2012

"Si je ne suis pas là, je suis au jardin"

 

Jeanne Coleou,

 

J'aime tes jardins d'été

et chaque pétale de tes jardins fanés.

 

J'aime tes jardins dévoilés

et chaque parcelle de tes jardins camouflés.

 

J'aime tes jardins oubliés

et chaque pensée pour tes jardins fantasmés.

 

Je t'aime

 

EG

3 avril 2012

les broderies de la vie

Le réveil

révèle

les broderies de la vie

tissées

pendant la nuit.

 

Le jour

se lève alors

hanté du malaise

de nos rêveries atrophiées

ou rempli de l'énergie

du constat non moins troublant

de nos désirs apaisés.

 

La vie

qui

au fil de soi(e)

bâtit

ici et là.

 

(EG)

 

 

4 mars 2012

JUST KIDS

(...)

Ma mère nous a appris les jeux de son enfance(...). On confectionnait des chaînes de paquerettes pour en faire colliers et couronnes. Le soir on capturait des lucioles dans des bocaux, et on faisait des bagues de leurs ventres luisants.

(...)

Ensemble, nous riions des enfants que nous avions été ; nous jugions que j'avais été une méchante fille qui s'efforçait d'être gentille, et lui un gentil garçon qui s'efforçait d'être méchant. Au fil des années, ces rôles allaient s'inverser, puis s'inverser de nouveau, jusqu'à ce que nous arrivions à accepter notre nature double et à nous mettre en paix avec l'idée que nous renfermions des principes opposés, la lumière et l'obscurité.

J'étais une enfant rêveuse, quelque peu somnanbule. J'agaçais mes professeurs avec mon don précoce pour la lecture, doublé d'une incapacité à l'appliquer à tout ce qu'ils estimaient pratique. L'un après l'autre, ils notaient sur mes bulletins que je rêvassais beaucoup trop, que je semblais toujours ailleurs. Où était cet ailleurs, je ne saurais le dire, mais il m'a souvent valu de me retrouver au coin, assise sur un tabouret haut, bien en vue avec un chapeau en papier conique sur la tête.

Plus tard, je fis pour Robert de grands dessins détaillés de ces moments d'humiliation comique. Il les adorait : on aurait dit qu'il appréciait chez moi toutes les qualités qui repoussaient les autres ou les tenaient à l'écart. Par ce dialogue visuel, mes souvenirs d'enfance devinrent les siens.

(...)

Un jour, tandis que je clopinais vers la maison sous l'enclume du soleil, ma mère m'acosta.
"Patricia, me dit elle d'un ton de reproche, enfile une chemise !
- Il fait trop chaud, je gémis. Tout le monde est torse nu.
- Chaud ou pas, il est temps que tu te mettes à porter une chemise. Tu es sur le point de devenir une jeune femmme."
Je protestai avec véhémence et annonçait que je n'allais jamais devenir autre chose que moi-même, que je faisais partie du clan de Peter Pan, ceux qui ne grandisent pas.

(...)

Robert adorait écouter les histoires de mon enfance, mais quand je le questionnais sur la sienne, il n'avait pas grand chose à raconter. (...) "Ma famille, c'est toi", disait-il.

(...)

J'avais vingt ans quand je suis montée dans le bus. Je portais ma salopette, un col roulé noir, et le vieil imper gris que j'avais acheté à Camden. Ma petite valise écossaise rouge et jaune contenait quelques fringues, et des photos de mon frère et de mes soeurs. J'étais superstitieuse. Nous étions un lundi ; j'étais née un lundi. C'était un bon jour our arriver à New York City. Personne ne m'attendait. Tout m'attendait.

(...)

Comme Jean Genet, Robert était un bien piètre voleur. Genet s'était fait emprisonner pour avoir volé des volumes rares de Proust et des rouleaux de soie chez un tailleur. Des voleurs esthétiques. Je me représentais parfaitement son horreur mêlée au triomphe tandis qu'il contemplait des lambeaux de Blake qui plongeaient, avec un tourbillon, dans les égouts de New York.

Nous avons baissé les yeux pour regarder nos mains jointes. Nous avons respiré profondément, acceptant notre complicité, non dans le vol, mais dans la destruction d'une oeuvre d'art.

"Au moins, ils ne mettront jamais la main dessus, a-t-il dit.
- Qui ça, ils ?
- Tous ceux qui ne sont pas nous."

(...)

Mais avant même de lire ces mots, le titre a suffi à m'émouvoir profondément : "Patti - Ce que je pense - Robert". Je lui avais demandé, l'avais supplié même, si souvent, avant de partir, de me dire à quoi il pensait, ce qu'il avait sur le coeur. Il restait muet.

J'ai réalisé, en regardant ces feuilles de papier, qu'il avait creusé profondément en lui-même à mon intention - il avait essayé d'exprimer l'inexprimable. Imaginer l'angoisse qui l'avait poussé à écrire cette lettre m'a tiré les larmes.

"J'ouvre des portes, je ferme des portes", écrivait-il. Il n'aimait personne. Il aimait tout le monde. Il aimait le sexe, il détestait le sexe. La vie est un mensonge, la vérité est un mensonge. Ses pensées se terminaient sur une blessure en train de guérir. "Je me tiens nu quand je dessine. Dieu me tient la main et nous chantons ensemble." Son manifeste d'artiste.

J'ai laissé se dissiper ce qui ressemblait à une confession, et j'ai accepté ces mots comme une hostie à la communion. Il avait jeté la ligne qui allait me séduire, nous lier, en fin de compte, l'un à l'autre. J'ai plié la lettre et l'ai remise dans l'envelopppe. Je n'avais pas la moindre idée de ce qui allait suivre.

(...)

Lui et moi, nous nous étions donnés à d'autres. A trop tergiverser, nous avions perdu tout le monde, mais nous nous étions retrouvés. Ce que nous désirions, sans doute, c'était ce que nous avions déjà : un amant et un ami avec qui créer, côte à côte. Etre fidèles, sans cesser d'être libres.

(...)

Sur le dessus de la pile, j'ai remarqué Nashville Skyline. Quand Robert me l'avait offert avant mon départ pour Paris, j'avais écouté "Lay Lady Lay" en boucle. En rassemblant mes carnets, j'ai retrouvé l'édition d'Ariel de Sylvia Plath que Robert m'avait offerte lors de notre rencontre. Mon coeur s'est serré un instant, car je savais que cette phase innocente de notre vie était passée. J'ai glissé dans ma poche une enveloppe qui contenait les clichés de Woman I que j'avais faits au MoMA, mais j'ai abandonné mes tentatives ratées de peindre son portrait, des rouleaux de toile éclaboussés de terre de Sienne, de roses et de verts, souvenirs d'une ambition envolée. J'étais trop curieuse de l'avenir pour m'appesantir sur le passé.

(...)

"Patti, personne ne voit comme toi et moi", m'a-t-il dit de nouveau. Chaque fois qu'il disait ce genre de choses, pour un laps de temps magique, c'était comme si nous étions les deux seuls êtres humains au monde.

(...)

Cependant, une vibration se faisait sentir, une impression d'accélération. Ca avait commencé avec la lune, ce poème inaccessible. Maintenant, des hommes avaient marché dessus, il a avait des traces de caoutchouc sur la perle des dieux. Peut-être était-ce la consicence soudaine du temps qui passe, le dernier été de la décennie. Parfois, j'avais envie de dire pouce et d'arrêter tout ça. Mais arrêter quoi ? Arrêter de grandir, tout simplement, peut être.

(...)

Cette nuit là, j'étais trop excitée pour m'endormir : des possibilités infinies semblaient tournoyer au-dessus de ma tête. J'ai fixé le plafond de plâtre, comme lorsque j'étais enfant. Il m'a semblé que les motifs vibratiles qui s'entrecroisaient au-dessus de moi trouvaient lentement leur place.
Le mandala de ma vie.

(...)

J'ai toujours adoré le trajet jusqu'à Coney Island. La simple idée de pouvoir aller à l'océan en métro était follement magique. J'étais profondément absorbée dans une biographie de Crazy Horse quand soudain j'ai réintégré le présent. J'ai posé les yeux sur Robert. Avec son chapeau années quarante, son tee-shirt filet noir et ses sandales mexicaines, il ressemblait à un personnage de Brighton Rock.
Le métro est arrivé à destination. Je me suis levée d'un bon, pleine d'une joyeuse impatience toute enfantine, et j'ai remis le livre dans le sac. Il m'a pris la main.

(...)

Enfin venait le moment où il fallait trancher le dilemme shakespearien : devait-il oui ou non porter trois colliers? Au bout du compte, un seul était trop subtil, et deux n'avaient pas d'impact. D'où le second débat : plutôt trois ou pas du tout? Sandy comprenait que Robert posait une équation artistique. Je le savais également, mais pour moi la question c'était : "On y va, oui ou non?" Dans ces processus décisionnels complexes, j'avais la concentration d'un adolescent défoncé.

(...)

Les années soixante touchaient à leur fin. Avec Robert, nous avons fêté nos anniversaires respectifs. Robert a eu vingt-trois ans. Puis j'ai eu vingt-trois ans. Le parfait nombre premier. Robert m'a confectionné un porte-cravates avec l'image de la Vierge Marie. Je lui ai offert sept têtes de mort en argent fixées sur une cordelette de cuir. Il a mis le collier. J'ai mis une cravate. Nous nous sentions parés pour les années soixante-dix.
"C'est notre décennie", m'a-t-il dit.

(...)

On dit que les enfants ne font pas la distinction entre les objets vivnts et inanimés ; je crois au contraire que si. Un enfant fait don à sa poupée ou à son soldat de plomb d'un souffle de vie magique. L'artiste anime ses oeuvres de la même façon que l'enfant anime ses jouets.

(...)

Les silences étaient des signes, j'en étais persuadée. Nous étions déjà passés par là. Même si nous n'en parlions pas, je me préparais lentement aux changements qui viendraient sûrement. Nous avions toujours des relations intimes, et je crois qu'il nous était difficile à tous les deux de parler ouvertement de ce qui se passait. Paradoxalement, on aurait dit qu'il voulait se rapprocher de moi. Peut-être sa tendresse n'était-elle que l'ultime sursaut avant la fin, comme celle d'un gentleman qui achèterait des bijoux à sa maîtresse avant de lui annoncer que c'est terminé.

(...)

Nous restions fidèles à notre serment, Robert et moi. Aucun de nous deux ne quitterait l'autre. Je ne l'ai jamais vu par le prisme de la sexualité. Mon image de lui est demeurée intacte. Il était l'artiste de ma vie.

(...)

Nous avions besoin de temps pour éclaircir la signification de tout cela, trouver une façon de l'assumer et de redéfinir le nom de notre amour. Il m'avait appris que la contradiction est souvent la voie la plus évidente vers la vérité.

(...)

Et pour sceller une union qui semblait prédestinée, Robert et Sam partageaient le même anniversaire, avec vingt-cinq ans d'écart. Le 4 novembre, nous avons fêté l'événement au Pink Tea Cup (...). Ce soir-là, Robert a offert à Sam une photo, et Sam a offert à Robert un Hasselblad. Cet échange précoce symbolisait leurs rôles respectifs d'artiste et de mécène.

(...)

Je savais que nous pensions à la même chose, à tout ce que nous avions traversé, bon et mauvais, mais que nous n'éprouvions aussi un certain soulagement. Robert m'a pressé la main.
"Tu es triste?" a-t-il demandé.
- Je suis prête."

(...)

J'ai repensé à ma mère qui disait que ce qu'on fait le 1er janvier préfigure ce que l'on fera le reste de l'année. Sentant l'esprit de mon saint Gregory privé, je me suis juré que 1973 serait mon année poétique.

(...)

Il a de nouveau pris quelques clichés.
"Je la tiens.
- Comment tu le sais?
- Je le sais, c'est tout."
Il a pris douze photos ce jour-là.
Quelques jours plus tard, il m'a montré la planche contact.
"Dans celle-ci, il y a de la magie", a-t-il affirmé.
Lorsque je la regarde aujourd'hui, ce n'est jamais moi que je vois. C'est nous.

(...)

J'ai repris une vie de citoyenne ordinaire. Elle m'a emmenée loin du monde que j'avais connu, mais Robert n'a jamais quitté mes pensées ; il était l'étoile bleue dans la constellation de ma cosmologie personnelle.

(...)

Il ne ne sentais pas bien, mais il a réussi, je ne sais comment, à canaliser le peu d'énergie qui lui restait pour prendre la photo. Cet instant contenait de la confiance, de la compassion et notre sens commun de l'ironie. Il portait la mort en lui et je portais la vie. Nous en étions tous deux conscient, je le sais.
C'était une photographie tout simple. Mes cheveux y sont tressés comme ceux de Frida Kahlo. J'ai le soleil dans les yeux. Et je regarde Robert et il est vivant."

(...)

Quelques jours plus tard, Robert m'a photographié vêtue du blouson aviateur de Fred pour la pochette du single que nous projetions de sortir. En découvrant la photo, Fred a dit : "Je ne sais pas comment il s'y prend, mais toutes les photos qu'il fait de toi lui ressemblent, à lui."

(...)

La lumière ruisselait à travers les vitres sur ses photos et ce poème silencieux que nous formions, assis ensemble une dernière fois. Robert mourant : il créait le silence. Moi, destinée à vivre, j'écoutais attentivement un silence qu'il faudrait toute une vie pour exprimer.

(...)

(extraits du livre "Just Kids", Patti Smith, 2010)

4 mars 2012

rose bonbon

 

Si j'avais le coeur dur comme de la pierre
J'embrasserais tous les garçons de la Terre
Mais moi j'ai le coeur comme du chewing gum
Tu me goûtes et je te colle

Une moustache, de la classe et du panache
Une peau de vache, taillé à la hache
Un petit cul, un gros, un chevelu
Un mal rasé, un maudit, un paumé

Irrésistiblement amoureux c'est emmerdant

Si j'avais le coeur dur comme de la pierre
J'embrasserais tous les garçons de la Terre
Mais moi j'ai le coeur comme du chewing gum
Tu me goûtes et je te colle

Un androgyne, un amant, un James Dean
Une belle bagnole, des poils sur les guiboles
Une arlésienne et des tonnes de "je t'aime"
Un beau salaud, le roi du rodéo

Irrésistiblement amoureux c'est emmerdant

Si j'avais le coeur dur comme de la pierre
J'embrasserais tous les garçons de la Terre
Mais moi j'ai le coeur comme du chewing gum
Tu me goûtes et je te colle

Rouler des pelles à tir larigot
Mon coeur d'artichaut me laisserait sur le carreau
Les garçons sont trop beaux
Les garçons sont trop beaux

Irrésistiblement amoureux c'est emmerdant
Irrésistiblement emmerdeux c'est amusant

Si j'avais le coeur dur comme de la pierre
J'embrasserais tous les garçons de la Terre
Mais moi j'ai le coeur comme du chewing gum
Tu me goûtes et je te colle

(Brigitte, "Coeur de Chewing Gum")

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27 février 2012

Images (à suivre)

« Filmer, c’est construire le chemin des regards en parcourant l’espace des routes et des rues que les humains dévalent en courant derrière l’objet transitoire de leur désir et en échappant à l’objet de leur terreur. C’est souvent le même. »

(Marie-José Mondzain, "Images (à suivre), De la poursuite au cinéma et ailleurs")

23 février 2012

Die erste Schlaflosigkeit

La première insomnie

 

Il faut du temps qui passe

on le sait

et de l'eau sous les ponts

c'est bien dit

pour l'évacuation des démons

 

Les yeux secs

prennent le risque

encore

de se mouiller

c'est autorisé

 

Le "nous" est remplacé par le "vous"

qui se traduit par "ihr"

et se décline en "euch"

 

Ce qui commence par un A prend fin

enfin

Ce qui commence par un B prend forme

je crois bien

 

Logique alphabétique

vous me direz

pour autant

pas si innée

 

Encore besoin ?

Aucune envie ?

De rejouer ce film

de l'automne à l'été

 

Acteurs

aux lourds coeurs

 

Funambules

amateurs

 

Scenari

passés

 

Lignes de vie

brodées

...

sur une ligne de TGV

ensoleillée

 

(EG)

20 février 2012

Wolkenstudien #1

Comparaison entre les nomenclatures de nuages des spécialistes.

Pour se faire une idée plus claire des différentes formes de nuages, et des noms divers qu'on leur donne, il semble souhaitable de noter ensemble tous les systèmes de nomenclatures (...), afin que les noms désignant les mêmes nuages apparaissent sur une même ligne. C'est là une entreprise ardue, et qui peut fortement varier en fonction des rédacteurs. Il n'est pas toujours facile de comprendre précisément la forme du nuage décrit par un auteur, et on risque de donner à un nuage un nom au sens un peu plus vaste ou plus étroitement limité que souhaité.

(Henry Helm Clayton, 1896)

15 février 2012

En absence de tout confident, en lien

Avec la seule ombre de la cour

Du haut de sa tige, la rose-thé

déploie sa muette clarté

Ce qui jaillit de l'intérieur

Pétale après pétale

Semble déborder d'un trop plein de vouloir dire

Mais retenu aussitôt

Par la courbure de chaque pétale

tournée vers un centre secret

Les gouttes de pluie n'y peuvent rien

Avec son inviolable fragrance

Au coeur de l'invisible onde

Terrestre, elle ignore d'où elle vient, où elle va

Combien pourtant de tout son être elle sait

Qu'une fois pour toute, là, elle est.

(François Cheng)

(MERCI Marie L)

6 février 2012

When...

When I go home

Who is nearby ?

A nice young man

Wants to accompany me.

 

But I, covered in snow,

Say, oh, I am sorry.

What you want

I will not do.

 

I’ve never loved,

Never broken a heart,

Never kissed a mouth,

Don’t know what love is.

 

For a man’s false heart

It doesn’t ease the pain.

False they all are

Bitter as gall.

 

The one I don’t like

I see every day.

The one I really do

Is far away.

 

If only the Red Sea

Were nothing but champagne

And I a goldfish small,

Oh how happy I would be.

 

(Gundula Schulze Eldowy)

6 février 2012

If...

If you have no story

You’ve had no experiences.

If you’ve had no experiences

You’ve nothing to tell.

If you’ve nothing to tell

You’re lost.

(Gundula Schulze Eldowy)

6 février 2012

Berlin in the eighties

"Just in time I got to know Berlin in its last days. And it was this milieu which captivated me. The blend of art, subculture, workers, refugees and dreamers gave the city an unexpected magic. Life was not under anyone's control. It was like water making its on way. I found the official histories were something abstract. My experiences in the streets of Berlin were living history. The spirit of Berlin is like its soil, hard and ossified. Whereby the fractures of the city  do its nature justice most accurately. Here surviving means starting from scratch. Just as day drifts into night, there are cycles vibrating in this city, controlling it. In Berlin, nothing lasts long. Sooner than normal, everything vanishes without trace."

(Gundula Schulze Eldowy, 1980's)

12 janvier 2012

BRISAS - Voz Off


...respira...
y siente el agua que limpia todo ...respira...
y siente las brisas, las brisas que te cruzan...

SAN DIEGO

aveces la vida se paraliza y se convierte en un minuto eterno, pero es así...

los días transcurren escuálidos a nuestro lado,
y solo a veces estiramos la mano para agarrar los momento

que vienen...

CAMINA

Dicen que los barcos navegaron hasta el horizonte, dicen que los lanzaron de los helicópteros amarrados a rieles de

trenes, para que no vieran nunca mas la luz... los moluscos se los comieron...

el mar lleva la tristeza de un lugar como este,
los marineros dicen que los mariscos llevan el alma de los

que desaparecieron.

La ciudades son como las personas, tiene algo en su personalidad que no nos deja olvidar, las personas y las ciudades pueden estar cargadas de recuerdos...

Recuerdo el mantel blanco de la casa de mi madre, el arroz con huevo, los aviones, las bombas, los gritos, la ternura

de las manos que me protegían, los golpes, tus ojos, la leche caliente...

En este lugar se siente algo en el aire que no deja respirar con calma, esta ciudad esta contaminada, pero no es el aire, se siente en el alma, todo se ve gris, la gente está gris. ¿quedó gris? o siempre fue gris?

El hombre que sufre, el hombre cansado, el hombre libre que camina por las grandes alamedas...

respira.... respira....

Sanarse tiene su tiempo, Sanar tiene su tiempo, los edificios, los aviones, el color gris, la música, la noche, las cacerolas, el corte de luz, las hojas que caen del cielo, los rostros que nunca mas volví a ver...
La historia, la memoria, el agua todo lo limpia, los autos

quemados... mi mamá...

el viento que acaricia las hojas, los colores del cielo, el frío del mar, el miedo a morir... la casa en la playa, el domingo y el vino blanco, los perros corriendo, los lugares

que extrañamos,
la historia es nuestra...

la historia es mía...

ENTRADA PLAZA CIUDADANIA

Correr por un lugar prohibido, entrar por la puerta de atrás, andar en bicicleta sin manos, las sirenas de la noche, el avión que pasaba por mi casa

El sol que se junta con el mar en algún sitio, ¿donde va toda esta agua?

¿dónde va toda esta agua?

La brisa del viento que cruza mi rostro, que cruza tu rostro.
la bala en la cabeza, la sangre pegada en el techo...

CRUZA MONEDA (camina - entra)

¿como tratar de atrapar lo invisible?, lo ido, lo que estuvo, lo que no aparece, lo que era, lo inaprehendible.

¿Es posible mirar el pasado?... ¿Cómo nos encontramos con lo que fuimos?..

¿Qué significa todo lo anterior? ¿Cómo comenzó todo esto?

¿Cómo terminó?

La memoria no olvida nada.
El horizonte que se ve al fondo. la luz del pasillo que guía el camino.

La historia cargada de rostros sin voz, la bella ciudad gris, la pura y contaminada brisa del viento ¿será por eso que no se puede volver atrás?

 

¿Es la historia de un lugar la que no deja dormir tranquilo a nadie?

miles de brisas te cruzan, miles de imágenes rotas sin piedad se hunden en el mar, miles de imágenes se pierden mas allá de las palabras...

PLAZA CONSTITUCIÓN – LLUVIA

Trato de imaginarte...
en algún lugar, en cualquier ciudad, en el fondo da lo mismo...

trato de imaginarte...
exaltado de felicidad, acabado de tristeza,

tal vez por eso imagino, Respira

Respira y siente el agua que limpia todo... ¿es este el lugar que imaginas? Respira
Respira

Respira

Y siente el agua, el agua fría El agua...

El agua que limpia todo... ...y respira...

¿Es esta la historia?

FIN


(Ceci est le texte de la voix off du film "Brisas" de Enrique Ramirez. Ce film court est visible - sous titré en anglais - sur le site de l'artiste : www.enriqueramirez.net)

30 décembre 2011

Je compte les étoiles de mes mots

extraits

-

"Les jours ont une pousse
qui ne meure point
L'un naît, l'autre passe
au gré des saisons
Mon coeur est sévère
et ne s'arrête en chemin

Viens dans mon nid
où la nuit fleurit"

-

"Dans la soyeuse
verdure de mai
d'une nuit de printemps
je vis
le jour
me raconta
ma mère

Le printemps est
mon alphabet préféré"

-

"Je renonce
Au brillant

Il ne m'a
pas consolée
lorsque tu
m'as quittée"

-

"Je suis le sable
du sablier
et je m'écoule
dans la vallée du temps
qui m'étreint"

-

"Qui suis-je
quand les nuages pleurent :
un hôte étranger
sur une plage étrangère
j'attends
que le soleil m'aime
à nouveau
avec sa raison dorée"

-

"D'un sommeil toride
je me suis réveillée

Je compte les étoiles
de mes mots
et me consacre
à la nuit"

 

("Je compte les étoiles de mes mots", recueil de poèmes de Rose Ausländer)

30 décembre 2011

(EG) sur un bout de papier il y a x années

un brin malin

un brin taquin

et pourquoi donc

est-il si loin

pas grand chose

un chapitre

romanesque

certainement

boy next door

yes why not

yes we can

eyes opened

mais voilà

le quart de siècle

toujours là

pas bien loin

et pourtant

du chemin

reste la suite

un binome

à inventer

une main

à serrer

à étreindre

étreinte

d'un soir

d'un jour

du lendemain

du surlendemain

peu importe

quoi que

là tout de suite

une nouvelle strate

une nouvelle ligne

de coeur

pour l'histoire

pas la grande

mais la sienne

peut être

la mienne

en tous cas

dans ses bras

un jour viendra

patience

impatience

try again

once again

and we will see

that day

.

(EG)

 

26 décembre 2011

L'Art

"Et aujourd'hui, où la réalité même se fait poésie, où se déroule sous nos yeux la lutte des puissantes Natures pour l'enjeu décisif, où l'on se bat pour les grandes causes de l'humanité, pour la domination, pour la liberté - ajourd'hui l'art, sur sa scène d'ombres, a le droit lui aussi de tenter un vol plus haut, oui, il doit le faire s'il ne veut pas avoir honte devant la scène de la Vie."

(Schiller, 1798)

22 décembre 2011

Camille - Pleasure

I want to feel pleasure as much as I feel pain,
I want to feel pain as if it was a leisure,
If you wanna feel the strain,
I keep as a treasure,
The rain rain, let the rain

Il suffit de, deux doigts à peine,
Pour faire un vœux
Mieux que silex au creux de l'aine

I want to feel pleasure as much as I feel pain,
I want to feel pain as if it was a leisure,
If you wanna feel the strain,
I keep as a treasure,
The rain rain, let the rain

Je suis si peu électricienne,
Un fruit juteux,
Et je jouis à l'ancienne

I want to feel pleasure as much as I feel pain,
I want to feel pain as if it was a leisure,
If you wanna feel the strain,
I keep as a treasure,
The rain rain, let the rain

Un petit jeu, à la Fontaine,
Sans amoureux,
Je suis la reine de ces lieux.

I want to feel pleasure as much as I feel pain,
I want to feel pain as if it was a leisure,
If you wanna feel the strain,
I keep as a treasure,
The rain rain, let the rain

("Pleasure", Camille, album "Ilo Veyou", 2011)
22 décembre 2011

Camille - Le Message

Si tu me laisses un message
C'est que je suis dans les nuages
Nuages, nuages, nuages...


Loin des foules et du grabuge
De la force centrifuge,
Je suis loin mais ce n'est pas si loin, lalala


Si tu me laisses un message
Je le lirai dans les nuages
Nuages, nuages, nuages...

Parmi les anges et les mages,
Je distinguerai ton visage
Tu es loin mais ce n'est pas si loin, lalala


Si tu me laisses un message
C'est que je suis dans les nuages,
Nuages, nuages, nuages...

("Le Message", Camille)

22 décembre 2011

Camille - Aujourd'hui

Aujourd'hui, c'est le plus beau jour, c'est la plus belle vie, c'est le plus grand amour
Sur la plus belle planète
Et aujourd'hui, c'est la plus belle minute, c'est la plus belle poussée, c'est la plus belle chute,
Sur la plus belle planète, la plus belle planète
Et aujourd'hui, c'est la plus belle seconde, c'est la plus belle la plus belle voix lactée, la plus belle ronde
Sur la plus belle planète, la plus belle planète
Et aujourd'hui c'est le plus beau col, c'est le plus beau cordon, le plus beau bisphénol, le plus beau plomb, placentas, béton, colostrum, ATL, uranium, OGM, homme, aime, femme, dioxyde de carbone.
Sur la plus belle planète, la plus belle planète...
Et aujourd'hui c'est le plus beau moment, c'est le plus beau bébé, c'est la plus belle maman
Sur la plus belle planète

("Aujourd'hui", Camille)

29 novembre 2011

Der Himmel über Berlin / 29.11.2011

Hier :

Ich habe Adam, Kathrin, Anna und Betty getroffen.

Vélo + U-Bahn = Liberté. Du nord au sud et le long du canal.

Exploration de Kreuzberg. Aubergine à la parmigiana. Blablabla avec K pleine de précieux conseils et de bonnes ondes. Connections faites.

Stop a Ostkreuz. Je poursuis ma route.

Il le fallait avant de repartir : faire l'expérience du supermarché ou comment passer 40 minutes dans les rayons pour acheter 10 produits, et renoncer à la crème de marron qu'on arrive décidément pas à trouver !

Cooking at home... Pleasure.

Refaire le monde armé d'un bonnet sur un balcon avec le U-Bahn by night et les étoiles pour décor.

Il est tard, l'heure de dormir mais orange.fr m'annonce qu'Eva veut vivre avec moi à Reuter Strasse à partir de janvier. Over excited. Et impossible de dormir, donc.

Aujourd'hui :

Je me lève tôt et saute sur mon vélo (enfin celui qu'on me prête généreusement depuis 4 jours) pour aller revoir Eva et mon futur appartement. Joie.

Bonjour / Hasta luego au bureau de TK. A bientôt bientôt !

Il fait toujours très beau et je pédale jusqu'à Potsdamer Platz. Je ne m'y ferai pas je crois, mais le passage est obligé.

Le vélo ca creuse. Pose Pastas. Copieux et délicieux.

Rencontre avec Vera, simple et positive. A l'image de mes rdvs de cette semaine.

And Now, finies les conneries, I have to hurry !

A/R à Schonauser Allee, sac refermé, S-Bahn direction Shonefeld. Le ciel vire au rose et s'assombrit pour laisser place à un fin croissant de lune qui m'accompagne le long des rails.

Easyjet m'exaspère un peu cette fois ci avec ses sièges en carton et son chauffage étouffant.

Mais le pire m'attends à Paris avec un passage obligé par Châtelet les Halles.

Choc des cultures. Rejet. Mais je vais m'arrêter là pour la critique.

Demain est un autre jour dans la Ville Lumière et après demain sera dans la Cité des Anges.

(EG)

Merci à TK, X&A et tous ceux qui m'ont aidés dans mes contacts.

 

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