Patricia. Je n'ai plus envie de partir avec toi.
Michel. Oui, je le savais.
Patricia. Je ne sais pas.
Michel. Quand on parlait, je parlais de moi... et toi de toi.
Patricia. Je trouve que je suis idiote.
Michel. Alors que tu aurais dû parler de moi... et moi de toi...
Patricia. Je ne veux pas être amoureuse de toi. J'ai téléphoné à la police pour ça. Je suis restée avec toi parce que je voulais être sûre que j'étais amoureuse de toi..., que je n'étais pas amoureuse de toi... Et puis je suis méchante avec toi, c'est la preuve que je ne suis pas amoureuse de toi.
Michel. Redis-le !
Patricia. Et puisque je suis méchante avec toi...
Patricia. C'est la preuve que je ne suis pas amoureuse de toi.
Michel. On dit qu'il n'y a pas d'amour heureux, mais c'est le contraire...
Patricia. Si je t'aimais...
Michel. Tu as pensé à ça.
Patricia? Oh ! ...c'est trop compliqué.
Michel. Au contraire ; il n'y a pas d'amour malheureux.
Patricia. Je veux que les gens s'occupent pas de moi.
Michel. Moi, je ne crois pas à l'indépendance, mais je suis indépendant.
Patricia. Peut-être que tu m'aimes ?
Michel. Toi, tu y crois et tu l'es pas.
Patricia. C'est pour ça que je t'ai dénoncé.
Michel. Je te suis supérieur.
Patricia. Maintenant tu es forcé de partir.
Michel. T'es cinglée... C'est lamentable comme raisonnement.
Patricia. Tu es idiot !
Michel. C'est comme les filles qui couchent avec tout le monde... et ne veulent pas coucher avec le seul type qui les aime sous prétexte qu'elles ont couché avec tout le monde.
Un temps.
Patricia. Pourquoi tu ne parles pas ?
Patricia. J'ai couché avec beaucoup de garçons. Il ne faut pas compter sur moi. ... Mais pars, Michel, qu'est ce que tu attends ?
Michel. Non, je reste; je suis mal fichu... De toutes façon, j'ai envie d'aller en prison.
Patricia. Tu es fou.
Michel. Oui. Personne ne me parlera. Je regarderai les murs.
(Jean-Luc Godard, "A Bout de Souffle")